Développée à partir de la fin des années 1980, la chirurgie robot-assistée a longtemps été la chasse gardée de la firme américaine Intuitive Surgical. L’intérêt de cette technologie mature pour les patients, les chirurgiens et les établissements de santé a aiguisé l’appétit de challengers.

Précision du geste, confort du chirurgien assis derrière une console pour manipuler un bras équipé d’instruments chirurgicaux, durées d’intervention et de récupération des patients réduites… la chirurgie robotique dominée depuis le début des années 2000 par Intuitive Surgical a conquis la planète. De l’intuition, le fabricant du fameux système chirurgical Da Vinci n’en aura pas manqué. L’entreprise californienne, dotée d’un solide sens du marketing, a trusté le marché pendant de nombreuses années en séduisant les praticiens comme les directions d’établissements. Afficher la présence d’un robot dans ses murs confère à un hôpital ou une clinique une indéniable touche d’ultra-modernité. Aujourd’hui, la medtech de la Silicon Valley n’est plus seule aux commandes.

La concurrence à pied d’œuvre

Malgré des coûts encore élevés (à titre d’exemple, l’américain monnaie son robot d’entrée de gamme aux alentours du million d’euros), le secteur se démocratise et s’étoffe pour couvrir de nombreuses disciplines : l’urologie et la gynécologie qui représentaient 37 % des parts de marché en 2022, la chirurgie générale, l’orthopédie, la neurologie, la chirurgie cardiovasculaire, l’otorhinolaryngologie… Parmi les nouveaux venus figurent à titre indicatif Medtronic, Johnson & Johnson et Stryker pour l’Amérique du Nord, Meerecompany, Medicaroïd ou encore Suzhou Kangduo Robotics pour l’Asie, CMR Surgical (Angleterre), Avatera (Allemagne), Distalmotion (Suisse) pour l’Europe de l’Ouest… La France n’est pas en reste, tant s’en faut, avec eCential Robotics qui s’épanouit dans le bassin grenoblois, la parisienne Moon Surgical ou encore Ganymed Robotics, une des lauréates 2023 du concours i-Nov remis début juillet.

Un facteur d’attractivité

L’Hexagone compte un autre poulain, Quantum Surgical créé en 2017 à Montpellier et qui a reçu le prestigieux Prix Galien USA 2022 dans la catégorie start-up medtech. Son robot Epione est notamment utilisé par le service d’imagerie médicale et interventionnelle de l’hôpital Edouard Herriot, aux Hospices civils de Lyon. Le 2e CHU de France s’est lancé dans une stratégie ambitieuse avec un investissement important de 10 millions d’euros sur 2 ans (2022-2023). Il doit lui permettre de compter fin 2023, 12 robots au total, dont 7 nouveaux. Avec ces dotations, l’établissement vise l’excellence chirurgicale pour les patients, mais pas seulement. "Nous avons également un enjeu fort sur l’attractivité et la fidélisation des professionnels médicaux et des soignants en leur offrant des conditions d’exercice qui leur donnent envie d’intégrer ou de rester dans notre établissement", déclarait Virginie Valentin, directrice générale adjointe des HCL dans les colonnes de Mind Health, en janvier 2023.

De belles opportunités de marché

Alors qu’à ce jour, moins de 1 % des opérations chirurgicales sont réalisées dans le monde avec l’assistance d’un robot, les revenus de l’industrie devraient tripler d’ici 2030, pour atteindre 21,5 milliards de dollars. C’est ce que révèle l’étude L’ascension de chirurgie assistée robotique du cabinet allemand de conseil en management Roland Berger, publiée le 13 juin 2023. De quoi conforter les ambitions des medtechs. Sophie Cahen, co-fondatrice et CEO de Ganymed surgical, l’a signifié à sa façon dans un épisode du podcast Génération do it yourself du 25 juin dernier : "Plus de 5 milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès à la chirurgie, faute d’infrastructures, de savoir-faire […]. L’idée aujourd’hui est de garantir un accès [à la chirurgie robot-assistée], en aidant un chirurgien non spécialisé dans une intervention à réaliser le geste parfait". Un avenir radieux semble bien tendre les bras aux fabricants de robots.

Pierre Derrouch